La responsabilité juridique face aux émissions de gaz à effet de serre transfrontalières

Le changement climatique représente un défi juridique sans précédent en raison de son caractère global et de ses impacts différenciés. La question de la responsabilité pour les émissions de gaz à effet de serre (GES) produisant des conséquences au-delà des frontières nationales soulève des problématiques complexes en droit international, environnemental et des droits humains. Face à l’urgence climatique, les tribunaux du monde entier sont de plus en plus saisis pour déterminer comment attribuer cette responsabilité extraterritoriale. Cette analyse examine les fondements juridiques, les obstacles procéduraux et les évolutions jurisprudentielles qui façonnent ce domaine émergent du droit, tout en évaluant les mécanismes de coopération internationale et les perspectives d’avenir pour une justice climatique transfrontalière.

Les fondements juridiques de la responsabilité climatique extraterritoriale

La responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux s’appuie sur plusieurs principes fondamentaux du droit international. Le principe de « non-nuisance » (sic utere tuo ut alienum non laedas), codifié dans la Déclaration de Stockholm de 1972 et réaffirmé dans la Déclaration de Rio de 1992, constitue la pierre angulaire de cette responsabilité. Ce principe stipule que les États ont l’obligation de veiller à ce que les activités exercées dans leur juridiction ne causent pas de dommages à l’environnement d’autres États. Dans le contexte des émissions de GES, ce principe est fondamental mais son application reste complexe en raison de la difficulté d’établir un lien causal direct.

Le principe de précaution, autre pilier du droit environnemental international, renverse la charge de la preuve traditionnelle en stipulant que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. Ce principe a été incorporé dans de nombreux instruments juridiques internationaux, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris.

Le principe des responsabilités communes mais différenciées reconnaît que tous les États doivent prendre part à la lutte contre le changement climatique, mais que leurs responsabilités varient en fonction de leurs capacités respectives et de leur contribution historique aux émissions de GES. Ce principe est au cœur des négociations climatiques internationales et influence la répartition des obligations de réduction des émissions.

Les instruments juridiques internationaux

La CCNUCC, adoptée en 1992, établit un cadre global pour les efforts intergouvernementaux de lutte contre le changement climatique. Bien qu’elle ne contienne pas d’obligations juridiquement contraignantes de réduction des émissions, elle reconnaît la responsabilité des pays développés dans les émissions historiques et leur obligation de prendre l’initiative dans la lutte contre le changement climatique.

L’Accord de Paris de 2015 marque une avancée significative en établissant un objectif collectif de limitation du réchauffement climatique à « bien en dessous de 2°C » par rapport aux niveaux préindustriels. Chaque partie à l’accord doit soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN) qui représentent ses efforts pour réduire les émissions nationales. Toutefois, ces engagements restent volontaires et leur non-respect n’entraîne pas de sanctions juridiques formelles.

  • Le Protocole de Kyoto (1997) : Premier traité imposant des objectifs de réduction contraignants
  • L’Accord de Paris (2015) : Approche ascendante basée sur des contributions volontaires
  • Le Pacte de Glasgow pour le climat (2021) : Renforcement des ambitions et accélération des actions

Au-delà des traités spécifiquement climatiques, d’autres instruments juridiques internationaux peuvent servir de fondement à la responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux, notamment les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Objectifs de développement durable, en particulier l’objectif 13 sur la lutte contre les changements climatiques.

L’attribution de la responsabilité climatique : défis et innovations juridiques

L’attribution de la responsabilité pour les dommages liés aux changements climatiques constitue l’un des obstacles majeurs à l’établissement d’une responsabilité extraterritoriale effective. La chaîne causale entre les émissions de GES d’un acteur spécifique et les impacts climatiques observés est complexe et difficile à établir avec certitude. Cette complexité est exacerbée par la nature cumulative des émissions de GES, provenant de multiples sources réparties à travers le globe et s’accumulant dans l’atmosphère sur de longues périodes.

Néanmoins, des avancées significatives dans la science de l’attribution climatique permettent désormais d’établir des liens plus précis entre les activités humaines et certains phénomènes climatiques extrêmes. Des études comme celles du Carbon Majors, qui quantifient la contribution historique des principales entreprises fossiles aux émissions globales, fournissent des bases factuelles pour étayer les argumentaires juridiques. Selon ces recherches, seulement 100 entreprises seraient responsables de plus de 70% des émissions mondiales depuis 1988.

Les approches juridiques innovantes

Face aux défis de l’attribution, plusieurs approches juridiques innovantes émergent :

La responsabilité proportionnelle propose que les émetteurs soient tenus responsables en proportion de leur contribution aux émissions globales. Cette approche a été explorée dans l’affaire Lliuya c. RWE, où un agriculteur péruvien poursuit le géant énergétique allemand RWE pour sa contribution proportionnelle (0,47%) aux dommages climatiques affectant sa région.

La responsabilité basée sur la connaissance se concentre sur le moment à partir duquel les acteurs (États ou entreprises) avaient connaissance des risques liés aux changements climatiques et ont néanmoins poursuivi leurs activités émettrices. Cette approche a été centrale dans l’affaire Milieudefensie c. Shell, où la cour néerlandaise a souligné que Shell avait connaissance depuis des décennies des risques climatiques associés à ses produits.

La due diligence climatique impose aux acteurs économiques une obligation de vigilance concernant l’impact climatique de leurs activités, y compris à l’étranger. Cette notion s’inspire des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et trouve une expression concrète dans des législations comme la loi française sur le devoir de vigilance ou la future directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises.

  • La responsabilité basée sur les produits : ciblant les producteurs de combustibles fossiles
  • La responsabilité fiduciaire climatique : obligations des investisseurs et gestionnaires d’actifs
  • La responsabilité basée sur les engagements volontaires : transformer les promesses en obligations

Ces approches novatrices témoignent de l’adaptation progressive des systèmes juridiques face à la nature unique du défi climatique. Elles constituent des tentatives de surmonter les obstacles traditionnels à l’attribution de responsabilité dans un contexte où les dommages sont diffus, cumulatifs et transfrontaliers.

La jurisprudence émergente sur la responsabilité climatique transfrontalière

Ces dernières années, une jurisprudence significative s’est développée autour de la responsabilité climatique transfrontalière, offrant des perspectives nouvelles sur l’application extraterritoriale du droit environnemental. L’affaire Urgenda aux Pays-Bas constitue un précédent historique. En 2019, la Cour suprême néerlandaise a confirmé que l’État avait l’obligation de réduire ses émissions de GES d’au moins 25% par rapport aux niveaux de 1990 d’ici fin 2020, en se fondant sur les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette décision a établi un lien direct entre la politique climatique nationale et la protection des droits humains, avec des implications extraterritoriales.

L’affaire Neubauer et al. c. Allemagne a vu la Cour constitutionnelle fédérale allemande statuer en 2021 que la loi climatique du pays était partiellement inconstitutionnelle car elle ne protégeait pas suffisamment les droits fondamentaux des générations futures. La Cour a explicitement reconnu la dimension transgénérationnelle et potentiellement extraterritoriale de la responsabilité climatique.

Dans le domaine de la responsabilité des entreprises, l’affaire Milieudefensie c. Shell représente une avancée majeure. En mai 2021, le tribunal de district de La Haye a ordonné à Royal Dutch Shell de réduire ses émissions de CO2 de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Cette décision novatrice étend la responsabilité de l’entreprise à l’ensemble de sa chaîne de valeur mondiale, y compris les émissions de scope 3 (émissions indirectes liées à l’utilisation de ses produits).

Les contentieux climatiques à dimension extraterritoriale

L’affaire Lliuya c. RWE illustre parfaitement la dimension extraterritoriale des contentieux climatiques. Saúl Lliuya, un agriculteur péruvien, a poursuivi le géant énergétique allemand RWE devant les tribunaux allemands, alléguant que les émissions de l’entreprise contribuaient à la fonte des glaciers menaçant sa communauté. En 2017, la Cour d’appel de Hamm a admis la recevabilité de cette action, reconnaissant la possibilité d’une responsabilité transfrontalière.

Les actions intentées par des municipalités américaines contre des compagnies pétrolières étrangères pour récupérer les coûts d’adaptation au changement climatique constituent un autre exemple de contentieux à dimension extraterritoriale. Bien que ces affaires se heurtent souvent à des obstacles juridictionnels, elles témoignent de la volonté croissante des collectivités locales de tenir les émetteurs étrangers responsables des dommages climatiques locaux.

L’affaire Notre Affaire à Tous et autres c. Total en France illustre comment les législations nationales, comme la loi sur le devoir de vigilance, peuvent servir de fondement à des actions visant des impacts climatiques à l’étranger. Les plaignants accusent Total de ne pas avoir adéquatement évalué et atténué les risques climatiques liés à ses projets, notamment en Ouganda et en Tanzanie.

  • L’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les obligations des États en matière de changement climatique (en cours)
  • La requête des Inuits devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme contre les États-Unis
  • L’action du Vanuatu pour obtenir un avis consultatif sur les droits des générations futures à être protégées des impacts climatiques

Ces développements jurisprudentiels, bien que disparates et encore en évolution, dessinent progressivement les contours d’un régime de responsabilité climatique extraterritoriale. Ils témoignent de l’adaptabilité des systèmes juridiques face à des défis environnementaux sans précédent et de la reconnaissance croissante du caractère transfrontalier des obligations climatiques.

Les mécanismes de coopération internationale face à la responsabilité climatique

Face à la nature globale du changement climatique, les mécanismes de coopération internationale jouent un rôle fondamental dans l’établissement et la mise en œuvre de la responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux. Le régime climatique international, structuré autour de la CCNUCC, offre un cadre de gouvernance qui, bien qu’imparfait, permet de coordonner les efforts globaux.

Le Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices liés aux incidences des changements climatiques, établi en 2013, constitue une première reconnaissance institutionnelle des dommages irréversibles causés par le changement climatique. Ce mécanisme vise à améliorer la connaissance, l’action et le soutien concernant les pertes et préjudices, mais reste limité par l’absence de dispositions contraignantes sur la responsabilité et l’indemnisation.

Le Fonds vert pour le climat et autres mécanismes de financement climatique représentent une forme indirecte de reconnaissance de la responsabilité des pays développés. En s’engageant à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour soutenir les actions climatiques dans les pays en développement, les nations industrialisées reconnaissent implicitement leur responsabilité historique dans les émissions de GES.

Les approches sectorielles et régionales

Au-delà du cadre onusien, des initiatives sectorielles et régionales émergent pour adresser la responsabilité climatique transfrontalière. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a développé le CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) pour limiter les émissions de l’aviation internationale. De même, l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté une stratégie initiale pour réduire les émissions de GES des navires.

Au niveau régional, l’Union européenne se positionne comme un leader avec son Pacte vert et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ce dernier vise à appliquer un prix carbone aux importations de certains produits, étendant ainsi effectivement la portée territoriale de la politique climatique européenne. Cette approche pourrait constituer un modèle pour d’autres régions et contribuer à l’émergence d’un prix mondial du carbone.

Les accords commerciaux bilatéraux et régionaux intègrent de plus en plus des dispositions environnementales qui peuvent servir de levier pour promouvoir la responsabilité climatique. L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) contiennent des chapitres environnementaux qui, bien que souvent critiqués pour leur faible caractère contraignant, offrent des plateformes pour renforcer la coopération climatique.

  • Les coalitions d’États infranationales comme la Coalition Under2 rassemblant des gouvernements régionaux engagés
  • Les initiatives multi-acteurs comme la Science Based Targets initiative pour les entreprises
  • Les alliances financières comme la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ)

Ces mécanismes de coopération, bien que divers dans leur portée et leur efficacité, contribuent à l’établissement progressif d’un cadre de responsabilité climatique qui transcende les frontières nationales. Ils reflètent la reconnaissance croissante que les défis climatiques ne peuvent être résolus par des actions isolées et nécessitent une approche coordonnée à l’échelle mondiale.

L’avenir de la justice climatique face aux émissions transfrontalières

L’évolution de la responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation du droit international face aux défis environnementaux globaux. Plusieurs tendances émergentes laissent entrevoir les contours futurs de ce domaine juridique en pleine mutation.

La reconnaissance croissante des droits environnementaux comme partie intégrante des droits humains ouvre de nouvelles perspectives pour la responsabilité climatique transfrontalière. La récente résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaissant le droit à un environnement sain comme un droit humain fondamental (juillet 2022) pourrait servir de fondement à de nouvelles actions judiciaires visant à tenir les États et les entreprises responsables de leurs émissions de GES au-delà de leurs frontières.

Le développement de normes internationales de reporting climatique, comme celles élaborées par la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ou l’International Sustainability Standards Board (ISSB), contribue à standardiser la mesure et la divulgation des risques climatiques. Cette transparence accrue facilite l’attribution de responsabilité en rendant plus visibles les contributions aux émissions globales et les stratégies (ou leur absence) pour les réduire.

Le concept émergent de crime d’écocide, qui pourrait être intégré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, représente une évolution potentiellement majeure. La criminalisation des atteintes graves à l’environnement, y compris potentiellement certaines activités contribuant significativement au changement climatique, établirait un nouveau paradigme de responsabilité extraterritoriale.

Vers une gouvernance climatique mondiale renforcée

L’établissement d’un tribunal international du climat, proposé par divers acteurs de la société civile et certains États, pourrait offrir un forum spécialisé pour traiter les litiges climatiques transfrontaliers. Bien que sa création reste hypothétique, l’idée gagne du terrain face aux limites des juridictions nationales et des mécanismes existants.

Le renforcement des mécanismes de transparence et de responsabilisation prévus par l’Accord de Paris, notamment le cadre de transparence renforcé et le bilan mondial quinquennal, contribue à créer un environnement favorable à une plus grande responsabilité climatique. Ces processus permettent d’évaluer collectivement les progrès réalisés et d’accroître progressivement l’ambition des engagements nationaux.

L’émergence de standards de diligence raisonnable climatique pour les entreprises, inspirés par des initiatives comme les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, pourrait transformer fondamentalement la responsabilité du secteur privé. La directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, en cours d’élaboration, illustre cette tendance vers une responsabilisation accrue des acteurs économiques pour leurs impacts climatiques globaux.

  • Le développement de mécanismes financiers innovants pour les pertes et préjudices climatiques
  • L’intégration systématique des considérations de justice climatique dans les politiques de développement
  • L’adoption de constitutions vertes reconnaissant les droits des générations futures

Ces évolutions dessinent un avenir où la responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux serait plus clairement définie, plus largement acceptée et plus efficacement mise en œuvre. Toutefois, de nombreux défis persistent, notamment la résistance politique de certains États, les inégalités de pouvoir dans les négociations internationales et les limites inhérentes aux systèmes juridiques face à des problèmes aussi complexes que le changement climatique.

La trajectoire vers une véritable justice climatique globale nécessitera non seulement des innovations juridiques, mais aussi une transformation profonde des modèles économiques et des relations internationales. La responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux n’est pas qu’une question juridique technique, mais un enjeu fondamental de justice intergénérationnelle et internationale qui redéfinit notre compréhension même de la souveraineté à l’ère de l’Anthropocène.

Perspectives pratiques : mise en œuvre et défis opérationnels

La transition des principes théoriques vers une mise en œuvre effective de la responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux se heurte à de nombreux défis pratiques. Les disparités entre les systèmes juridiques nationaux créent un paysage fragmenté où l’application cohérente des principes de responsabilité climatique reste difficile. Les différences de traditions juridiques, de standards de preuve et d’interprétation des obligations internationales peuvent conduire à des résultats contradictoires selon les juridictions.

L’accès à la justice constitue un obstacle majeur pour les victimes des changements climatiques cherchant à tenir responsables des émetteurs situés dans d’autres pays. Les coûts prohibitifs des procédures judiciaires internationales, les barrières linguistiques et le manque d’expertise juridique spécialisée limitent considérablement les possibilités de recours. Des initiatives comme le Fonds pour la justice climatique de la Fondation pour la justice environnementale visent à surmonter ces obstacles en finançant des contentieux stratégiques.

La question de l’exécution des décisions reste problématique, même lorsque la responsabilité est établie. L’absence de mécanismes d’application contraignants au niveau international limite l’efficacité des jugements rendus contre des États ou des entreprises multinationales. Cette situation est exacerbée par la réticence de certains pays à reconnaître et exécuter des décisions judiciaires étrangères concernant les dommages climatiques.

Innovations dans la pratique juridique et institutionnelle

Face à ces défis, des approches innovantes émergent. Les actions collectives transnationales permettent de mutualiser les ressources et d’amplifier l’impact des contentieux climatiques. L’affaire People’s Climate Case, où des familles de différents pays ont conjointement poursuivi l’Union européenne pour son manque d’ambition climatique, illustre cette tendance, même si cette action spécifique a été déclarée irrecevable.

Le développement de méthodes standardisées d’attribution scientifique des dommages climatiques constitue une avancée significative pour surmonter les obstacles liés à la causalité. Des initiatives comme le World Weather Attribution permettent d’établir plus rigoureusement le lien entre les émissions de GES et des événements météorologiques extrêmes spécifiques, facilitant ainsi l’établissement de la responsabilité juridique.

L’intégration de la responsabilité climatique dans les pratiques de gouvernance d’entreprise représente une voie prometteuse. De plus en plus d’entreprises adoptent des objectifs de neutralité carbone qui englobent leurs chaînes de valeur mondiales, anticipant ainsi l’évolution des cadres réglementaires et juridiques. Cette autorégulation, bien qu’insuffisante à elle seule, peut compléter utilement les mécanismes formels de responsabilité.

  • Le développement de registres publics des émissions et des engagements climatiques pour faciliter le suivi
  • L’utilisation de technologies blockchain pour garantir la traçabilité des émissions tout au long des chaînes d’approvisionnement
  • La création de fonds d’indemnisation sectoriels financés par les industries fortement émettrices

La formation spécialisée des juges et praticiens du droit sur les questions climatiques devient une nécessité face à la complexité technique et scientifique de ces affaires. Des initiatives comme le Global Judicial Institute on the Environment contribuent à renforcer les capacités des systèmes judiciaires à traiter efficacement les contentieux climatiques transfrontaliers.

L’expérimentation de mécanismes alternatifs de résolution des conflits adaptés aux spécificités des différends climatiques offre des voies complémentaires à la judiciarisation. La médiation climatique internationale ou l’établissement de commissions de vérité et réconciliation climatiques pourraient permettre d’aborder les dimensions historiques et éthiques de la responsabilité climatique que les procédures judiciaires traditionnelles peinent à intégrer.

Ces innovations pratiques, combinées aux évolutions juridiques et institutionnelles plus larges, tracent la voie vers un système plus efficace de responsabilité pour les effets de serre extraterritoriaux. Leur succès dépendra toutefois de la volonté politique des États, de l’engagement du secteur privé et de la mobilisation continue de la société civile pour faire de la justice climatique une réalité tangible dans un monde aux défis environnementaux sans précédent.