Nouveautés en Droit de la Consommation : Ce Qui Change

Le droit de la consommation connaît actuellement une période de transformation significative en France. Face aux évolutions des modes de consommation, à la transition numérique et aux préoccupations environnementales grandissantes, le législateur a entrepris de moderniser le cadre juridique protégeant les consommateurs. Ces modifications substantielles touchent divers aspects, de l’information précontractuelle aux pratiques commerciales, en passant par les garanties légales et les recours collectifs. Ces changements, issus tant de directives européennes que d’initiatives nationales, redessinent profondément les relations entre professionnels et consommateurs, tout en renforçant la protection de ces derniers face aux nouvelles formes de commerce.

Renforcement des obligations d’information et de la transparence

La transparence constitue l’un des piliers fondamentaux sur lequel repose la protection du consommateur. Les récentes évolutions législatives ont considérablement renforcé les obligations d’information des professionnels, particulièrement dans le domaine numérique. La loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, transposant la directive « Omnibus », impose désormais aux professionnels de nouvelles obligations de transparence concernant les avis en ligne et les places de marché numériques.

Les plateformes en ligne doivent maintenant préciser clairement si le vendeur est un professionnel ou un particulier, information déterminante puisqu’elle conditionne l’application du Code de la consommation. Cette distinction est fondamentale car elle détermine le régime juridique applicable à la transaction. De plus, les sites marchands ont l’obligation de préciser comment sont classés les résultats de recherche et si ce classement résulte d’un paiement ou d’une commission.

Concernant les avis en ligne, les professionnels doivent désormais indiquer s’ils vérifient les avis publiés et, le cas échéant, préciser les modalités de cette vérification. Cette transparence vise à lutter contre les faux avis qui influencent indûment les choix des consommateurs. Le non-respect de ces nouvelles obligations peut entraîner une amende administrative pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel.

Nouvelles règles pour l’affichage des prix et promotions

La transparence tarifaire a fait l’objet d’une attention particulière. Depuis le 28 mai 2022, pour toute annonce de réduction de prix, les professionnels doivent indiquer le prix antérieur pratiqué avant l’application de la réduction. Ce prix de référence correspond au prix le plus bas pratiqué par le professionnel au cours des 30 jours précédant la réduction. Cette mesure vise à éviter les fausses promotions où le prix de référence serait artificiellement gonflé.

  • Affichage obligatoire du prix de référence (prix le plus bas des 30 derniers jours)
  • Indication claire du pourcentage de réduction
  • Transparence sur les conditions d’application des promotions

Pour les services numériques, les professionnels doivent désormais fournir des informations détaillées sur la collecte et l’utilisation des données personnelles, particulièrement lorsque ces données constituent la contrepartie du service fourni. Cette reconnaissance du « paiement en données personnelles » constitue une avancée majeure pour la protection des consommateurs dans l’économie numérique.

Ces nouvelles dispositions s’accompagnent d’un renforcement des sanctions. La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) dispose désormais de pouvoirs élargis pour contrôler et sanctionner les manquements aux obligations d’information, avec des amendes administratives pouvant atteindre des montants dissuasifs pour les entreprises contrevenantes.

Évolution des garanties légales et extension de la durabilité des produits

Le régime des garanties légales a connu une refonte significative avec l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Cette réforme clarifie et renforce les droits des consommateurs en matière de garantie légale de conformité, tout en introduisant de nouvelles obligations relatives à la durabilité des produits.

La garantie légale de conformité s’applique désormais explicitement aux biens comportant des éléments numériques, ainsi qu’aux contenus et services numériques. Cette extension répond à l’évolution des modes de consommation et à la digitalisation croissante des produits. Pour ces produits connectés, le professionnel est tenu de fournir les mises à jour nécessaires pendant une durée minimale de deux ans, ou plus longue selon les circonstances.

La durée de la présomption d’antériorité du défaut a été portée de six mois à un an pour les biens d’occasion, et reste fixée à deux ans pour les biens neufs. Cette extension allège considérablement la charge de la preuve pour le consommateur, qui n’a plus à démontrer que le défaut existait au moment de l’achat pendant cette période.

L’indice de réparabilité et le droit à la réparation

Dans une perspective d’économie circulaire, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) a instauré l’indice de réparabilité, obligatoire depuis le 1er janvier 2021 pour certaines catégories de produits électriques et électroniques. Cet indice, noté sur 10, informe le consommateur sur la capacité à réparer le produit et encourage les fabricants à concevoir des produits plus facilement réparables.

  • Affichage obligatoire de l’indice de réparabilité pour certains produits
  • Obligation pour les fabricants de fournir des pièces détachées pendant une durée minimale
  • Droit à l’information sur la disponibilité des pièces détachées

La législation impose désormais aux fabricants de garantir la disponibilité des pièces détachées pendant une durée minimale après la mise sur le marché du dernier exemplaire du modèle concerné. Cette durée varie selon les catégories de produits, mais représente une avancée majeure pour lutter contre l’obsolescence programmée et prolonger la durée de vie des produits.

À partir de 2024, un indice de durabilité viendra compléter ou remplacer l’indice de réparabilité. Cet indice plus global prendra en compte non seulement la réparabilité, mais aussi la robustesse, la fiabilité et la possibilité de réemploi du produit, offrant ainsi une information plus complète au consommateur sur la durée de vie prévisionnelle du produit.

Protection renforcée dans l’univers numérique et contre les pratiques commerciales trompeuses

L’essor du commerce en ligne et la digitalisation des échanges ont conduit le législateur à adapter le droit de la consommation à ces nouvelles réalités. La directive européenne « Contenu numérique », transposée en droit français, établit un cadre juridique spécifique pour les contenus et services numériques, qu’ils soient fournis contre paiement d’un prix ou contre la fourniture de données personnelles.

Le consommateur numérique bénéficie désormais d’une protection accrue contre les pratiques commerciales trompeuses en ligne. La loi renforce notamment la lutte contre les faux avis, les influenceurs qui ne déclarent pas leurs partenariats commerciaux, et les techniques de manipulation en ligne comme le « dark pattern » (interfaces conçues pour induire en erreur ou manipuler les choix des utilisateurs).

Les opérateurs de plateformes en ligne sont soumis à des obligations renforcées de loyauté et de transparence. Ils doivent notamment informer clairement le consommateur sur les critères de référencement des offres, l’existence d’une relation contractuelle avec les vendeurs référencés, et les modalités de vérification des avis publiés.

Nouvelles règles pour les influenceurs et le marketing d’influence

Le marketing d’influence fait l’objet d’un encadrement spécifique avec la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cette législation pionnière en Europe impose aux influenceurs de mentionner clairement le caractère publicitaire de leurs publications et d’indiquer l’identité de l’annonceur.

  • Obligation de signaler clairement les partenariats commerciaux
  • Interdiction de promouvoir certains produits comme le tabac, l’alcool ou les médicaments
  • Responsabilité accrue en cas de promotion de produits contrefaits

La loi interdit également aux influenceurs de faire la promotion de certains produits et services, notamment les procédés de chirurgie esthétique, les abonnements à des sites de paris sportifs ou de jeux d’argent, et les produits contenant de la nicotine. Les sanctions en cas de non-respect de ces dispositions peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Concernant la protection des données personnelles, le droit de la consommation s’articule désormais étroitement avec le RGPD. Les professionnels doivent obtenir un consentement explicite et éclairé pour la collecte et le traitement des données personnelles, particulièrement lorsque ces données constituent la contrepartie d’un service numérique « gratuit ». Cette reconnaissance du « paiement en données » renforce considérablement les droits des consommateurs dans l’économie numérique.

Vers une consommation plus responsable : mesures environnementales et lutte contre le gaspillage

La dimension environnementale s’impose progressivement comme un pilier fondamental du droit de la consommation. La loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) du 10 février 2020 et la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 ont introduit de nombreuses dispositions visant à orienter la consommation vers des pratiques plus durables et respectueuses de l’environnement.

L’information environnementale devient une composante majeure de l’obligation d’information du consommateur. Depuis le 1er janvier 2022, les annonceurs doivent mentionner « En triant vos déchets, vous agissez pour l’environnement » dans leurs publicités pour des produits soumis à une filière à responsabilité élargie du producteur (REP). À partir de 2023, l’affichage environnemental devient obligatoire pour certains produits, informant le consommateur sur l’impact environnemental des biens qu’il achète.

La lutte contre le gaspillage alimentaire s’intensifie avec l’interdiction de la destruction des invendus non alimentaires, qui doivent désormais être réemployés, réutilisés ou recyclés. Cette mesure concerne notamment les produits d’hygiène et les textiles, et s’appliquera progressivement à d’autres catégories de produits.

Nouvelles dispositions contre l’obsolescence programmée

La lutte contre l’obsolescence programmée, qualifiée de délit depuis 2015, se renforce avec de nouvelles dispositions. La loi AGEC introduit la notion d’obsolescence logicielle, qui consiste à réduire la durée de vie d’un appareil en limitant sa compatibilité avec les mises à jour logicielles. Les fabricants doivent désormais informer les consommateurs de la durée pendant laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat restent compatibles avec un usage normal de l’appareil.

  • Obligation d’information sur la durée de compatibilité des mises à jour
  • Dissociation obligatoire des mises à jour correctives et évolutives
  • Extension de la garantie légale en cas de mise à jour rendant le produit inutilisable

Le droit à la réparation se concrétise avec l’obligation pour les fabricants de proposer des pièces détachées issues de l’économie circulaire pour certains équipements. De plus, le refus de réparer un produit réparable peut désormais être qualifié d’obsolescence programmée et sanctionné comme tel.

L’économie circulaire est encouragée par diverses mesures, comme la possibilité pour le consommateur d’apporter son propre contenant chez les commerçants, l’interdiction progressive des emballages plastiques à usage unique, et l’obligation pour les vendeurs de reprendre gratuitement les produits usagés dans le cadre du « un pour un » (reprise d’un produit usagé lors de l’achat d’un produit neuf équivalent).

Mécanismes de recours collectifs et renforcement des sanctions : vers une justice plus accessible

Les dispositifs permettant aux consommateurs de faire valoir leurs droits ont été considérablement renforcés ces dernières années. L’action de groupe, introduite en droit français par la loi Hamon de 2014, a connu des évolutions significatives pour la rendre plus efficace et accessible.

La directive européenne relative aux actions représentatives, qui doit être transposée en droit français, vise à harmoniser les procédures d’action collective au niveau européen et à renforcer leur efficacité. Elle prévoit notamment la possibilité pour les associations de consommateurs agréées d’exercer des actions transfrontalières, facilitant ainsi les recours des consommateurs dans un contexte de marché européen intégré.

Le régime des sanctions a été considérablement renforcé, avec une augmentation significative des amendes administratives pouvant être prononcées par la DGCCRF. Pour les infractions les plus graves, ces amendes peuvent atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise, voire 6% dans certains cas de récidive, créant ainsi un effet véritablement dissuasif.

Médiation de la consommation : un dispositif en expansion

La médiation de la consommation, rendue obligatoire dans tous les secteurs depuis 2016, continue de se développer comme mode alternatif de règlement des litiges. Les professionnels doivent proposer gratuitement à leurs clients un dispositif de médiation en cas de litige non résolu par le service client.

  • Accès gratuit pour le consommateur à un médiateur indépendant
  • Délai maximal de 90 jours pour la résolution du litige
  • Suspension des délais de prescription pendant la médiation

La Commission d’Évaluation et de Contrôle de la Médiation (CECM) a renforcé ses exigences concernant l’indépendance et la compétence des médiateurs, garantissant ainsi la qualité du processus de médiation. Le recours à la médiation constitue désormais un préalable obligatoire avant toute action judiciaire pour les litiges de faible montant.

Pour faciliter les démarches des consommateurs, la plateforme SignalConso, lancée par la DGCCRF en 2020, permet de signaler facilement les problèmes rencontrés avec des professionnels. Ce dispositif, qui n’est pas un système de plainte mais d’alerte, permet d’informer directement les entreprises des difficultés signalées par leurs clients et de faciliter la résolution amiable des litiges.

Perspectives et défis futurs du droit de la consommation

Le droit de la consommation se trouve à la croisée de plusieurs transitions majeures – numérique, écologique, économique – qui continueront d’influencer son évolution dans les prochaines années. Plusieurs tendances se dessinent déjà, annonçant les prochaines évolutions de cette branche du droit en constante mutation.

La digitalisation des relations commerciales continuera d’être un moteur majeur d’évolution du droit de la consommation. L’émergence de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, les objets connectés ou la réalité virtuelle soulève des questions inédites en matière de protection du consommateur. Le législateur devra adapter le cadre juridique à ces innovations pour maintenir un niveau élevé de protection.

La transition écologique s’imposera de plus en plus comme une dimension fondamentale du droit de la consommation. Au-delà des mesures déjà adoptées, on peut anticiper un renforcement des obligations d’information environnementale, l’extension de la responsabilité élargie du producteur à de nouveaux secteurs, et un encadrement plus strict de la publicité pour les produits ayant un impact environnemental négatif.

Vers une harmonisation européenne renforcée

L’harmonisation européenne du droit de la consommation se poursuivra, avec plusieurs textes importants en préparation ou en cours de transposition. Le Digital Services Act et le Digital Markets Act, adoptés au niveau européen, renforceront considérablement la régulation des plateformes numériques et la protection des consommateurs en ligne.

  • Régulation accrue des plateformes numériques et des géants du web
  • Harmonisation des règles relatives aux contenus numériques
  • Renforcement des mécanismes de coopération entre autorités nationales

Le développement de l’économie collaborative et des relations entre particuliers pose également des défis pour le droit de la consommation traditionnel, fondé sur la distinction entre professionnels et consommateurs. L’émergence de figures hybrides comme le « prosommateur » (à la fois producteur et consommateur) ou le particulier exerçant une activité commerciale occasionnelle nécessitera probablement des adaptations du cadre juridique.

Enfin, la mondialisation des échanges et l’essor du commerce électronique international soulèvent des questions complexes d’application territoriale du droit de la consommation. La protection effective du consommateur face à des acteurs économiques situés hors de l’Union européenne constitue un défi majeur, qui appellera probablement des solutions innovantes combinant régulation et coopération internationale.

Dans ce contexte évolutif, le droit de la consommation devra trouver un équilibre entre protection du consommateur, innovation économique et transition écologique. Cette recherche d’équilibre guidera vraisemblablement les prochaines réformes de cette branche du droit, qui reste plus que jamais au cœur des transformations économiques et sociétales contemporaines.